Une économie libérale enchâssée dans une politique communiste, le Vietnam est non seulement en pleine croissance mais a réussi à réduire sa pauvreté.
Avec la participation de Emmanuel Pannier
A écouter sur France Culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/vietnam-capitalisme-now-9887898
- Etienne Espagne Économiste au département de recherche de l’Agence Française de Développement (AFD)
- Emmanuel Pannier anthropologue à l’IRD
En 1986, le Parti communiste vietnamien fait le choix de l’économie de marché et engage le pays sur la voie du doi moi (“renouveau”). Depuis, le Vietnam connaît un développement économique fulgurant, qui repose surtout sur son secteur industriel et sur les investissements étrangers. Entretenant une relation de dépendance, mais aussi de concurrence avec la Chine, le pays joue allègrement la carte du multilatéralisme et espère devenir une économie à hauts revenus d’ici 2045. Selon Emmanuel Pannier, « on peut se demander ce qu’il reste de communiste au Vietnam, plutôt que d’essayer de savoir si le Vietnam est “vraiment” un pays communiste. Cela passe d’abord par définir ce qu’on entend par “communisme”. Si on considère que le communisme se restreint à la collectivisation des moyens de production, alors ce n’est pas du tout le cas du Vietnam. Car depuis le « doi moi », le Vietnam reconnaît la propriété privée, signe des accords commerciaux avec l’international, a une Bourse, des systèmes éducatifs privés … En revanche, si on élargit cette définition à l’existence d’un gouvernement autoritaire, avec un Parti unique qui étouffe toute dissidence, alors cela s’applique déjà plus au Vietnam. Par ailleurs, certaines grandes compagnies sont toujours entre les mains de l’Etat. Pour pouvoir fonctionner, ces compagnies doivent garder des connexions très fortes avec le Parti, pour obtenir des autorisations par exemple. Enfin, il y a une planification, sur cinq ans, des grandes lignes de l’économie »
Cependant, l’économie vietnamienne, qui mêle donc ultralibéralisme et planification communiste, doit encore faire face à de nombreux défis. D’abord, le territoire vietnamien est très exposé aux risques climatiques, et subit les effets d’un développement ultra-rapide. Etienne Espagne nous explique « le Vietnam est particulièrement vulnérable aux risques environnementaux. Son littoral court sur plus de 3000 km de côtes, le pays est donc exposé aux typhons, inondations et à l’érosion des sols. Le changement climatique y provoque également des îlots de chaleur urbaine de plus en plus fort, et le pays est sujet à certaines déforestations. La région du Delta du Mekong est particulièrement exposée. En effet, le Mékong est un fleuve en dessous du niveau de la mer. Il est aussi le grenier à riz de l’est et du sud-est du Vietnam, puisqu’il représente 50% de la production de riz du Vietnam. Lieux de cultures diverses (fruits …) il est une source de revenus d’exportation importante. Or, les scénarios projettent que ce delta va être submergé dans la deuxième partie du siècle ».