Les séminaires
Maritimités
Le séminaire « Maritimités » a pour vocation de fédérer des chercheurs d’horizons disciplinaires variés (anthropologie, archéologie, paléontologie, histoire, écologie, langues et littératures), spécialistes des sociétés maritimes, littorales, estuariennes et à l’interface des sciences humaines et des sciences de la vie. Depuis sa création en 2016, le séminaire s’est porté sur la thématique des espèces marines. Il s’est interrogé sur la spécificité des emplacements taxinomiques, symboliques, rituels qui leur sont impartis au sein de sociétés humaines hétérogènes, et a discuté, leur rôle dans les politiques de conservation : les revendications, confrontations ou formes d’identifications inédites que ces espèces sont amenées à supporter.
Si le séminaire "maritimités" a jusqu'alors été l'occasion de décliner quelques figures emblématiques d'un bestiaire maritime familier (tortues, petits cétacés, phoque, algues, etc.), c’est davantage vers ses parents atypiques que nous souhaiterions, dans un premier temps, orienter notre réflexion. Le tableau des espèces maritimes ne saurait en effet être complet sans mentionner ces espèces non aquatiques qui transitent - de façon clandestine ou non- en mer, stimulent à bord des ajustements rituels ou épistémologiques, déplacent ou transfigurent des imaginaires, redéfinissent les paysages qu'elles colonisent à l'issue de cette traversée.
L’évocation de ces figures atypiques du bestiaire maritime, comme l’attention à l’idée de « mobilité/captivité » que leur analyse sous-tend, fournissent l’occasion de nous interroger plus radicalement sur deux questions de fond. D’une part, sur l’hétérogénéité et le dynamisme des éléments qu’intègre l’idée de « maritimité ». D’autre part, sur la labilité du concept d’espèces, qui semble relever sous cette perspective de la contingence que du déterminisme, de l’hybridation que de l’essentialisation. Qu’est-ce que signifie la notion d’espèce, dès lors qu’elle est soumise aux hasards des voyages et des débarquements, à des déplacements contraints ou opportunistes ?
Le séminaire se déroulera de la fin-octobre à la mi-janvier au Muséum National d’Histoire Naturelle, le mardi de 17h30 à 19h30 à l’amphithéâtre d’entomologie. Les séances s’organiseront autour d’une présentation d’une heure d’un intervenant invité, suivie d’une heure de discussion autour de la problématique retenue pour la séance.
Coordonné par : Hélène Artaud, Frédérique Chlous, Émilie Mariat-Roy
Dictionnaire des concepts du patrimoine
Ce projet pluriannuel consiste en l'élaboration collective d'un dictionnaire critique multidisciplinaire autour de la notion de patrimoine et des études patrimoniales
Patrimoines Savoirs Pouvoirs
Les logiques patrimoniales ne peuvent être dissociées des pratiques et des processus de production, de transmission et de stabilisation de savoirs qui entrent en jeu dans leur constitution tout comme des procédures politiques, techniques et symboliques de sanction de ces savoirs par les pouvoirs, qui se chargent de les promouvoir.
Les processus d’ordonnancement du monde matériel et idéel et de valorisation de ses éléments jugés saillants par tel groupe social ou catégorie d’acteurs mobilisent une grande diversité de registres de savoirs. Leurs émergences, hybridations et circulations donnent corps au phénomène de (recon)naissance des patrimoines. Ils répondent à des représentations du monde, à des dynamiques inclusives ou exclusives particulières, et sont véhiculés par des pratiques et des langages variés. Ces savoirs sous-tendent des rapports de pouvoir singuliers qui se traduisent par des inégalités de formulation, de jouissance et de valorisation des dits patrimoines. Dans le contexte actuel d'une "hyperpatrimonialisation" d'objets naturels et/ou culturels (unités de conservation, paysages culturels, vestiges du passé, systèmes alimentaires ou agricoles entre autres) l’analyse des dynamiques d’expression, d’adhésion et de conflits à l’égard de ces savoirs et de leurs effets de pouvoir demeure un champ à explorer.
Coordonné par : Sarah Benabou, Frédérique Chlous, Tarik Dahou, Stéphanie Duvail, Laure Emperaire et Vincent Leblan.
Alter Éco
Dans les années 1960, alors que les ethnosciences s’institutionnalisent au Muséum National d’Histoire Naturelle, André-George Haudricourt publie sa célèbre réflexion sur la « domestication des animaux, culture des plantes et traitement d’autrui » (L’Homme, 1962). Dans ce texte fondateur, il montre que les pratiques des éleveurs et des cultivateurs sont indexées sur des modèles sociaux. Par exemple, le bâton du berger est un équivalent symbolique du sceptre qui est la marque du pouvoir dans certaines sociétés hiérarchisées.
L’objectif du séminaire est de repenser cette problématique dans des contextes migratoires. Plutôt que le modèle d’Haudricourt « dis-moi comment tu traites les végétaux/animaux et je te dirai comment tu traites ton semblable », nous étudierons la tendance des sociétés à penser l’altérité sous la forme d’une figure animale ou végétale : « dis-moi comment tu traites les végétaux/animaux, et je te dirai comment tu perçois l’Autre ».
En d’autres termes, nous entendons examiner la manière dont l’Autre et l’Ailleurs sont associés à des figures iconiques végétales et animales dans les terres d’accueil des migrants. Quel rôle joue donc cette tendance à végétaliser ou animaliser l’altérité dans la dynamique de classification des collectifs et des individus ? Comment participe-t-elle d’un mode d’intégration de l’altérité ? La reconnaissance locale du caractère endémique ou exotique d’une plante ou d’un animal est souvent exprimée par son association avec une altérité humaine qui est parfois sans rapport avec son origine géographique connue. C’est ainsi que l’on peut comprendre par exemple comment le piment ou la tomate tous deux originaires d’Amérique sont devenus des produits de terroir en France (Espelette ou Marmande) ; pourquoi l’Anaconda est associé à Dom Sebastião, ancien Roi du Portugal, dans certaines régions du Brésil, ou l’ours à la figure de l’étranger dans certaines parties des Pyrénées.
Ce séminaire s’intéresse ainsi à l’appropriation de plantes ou d’animaux venus d’ailleurs ou associés à l’ailleurs, et au phénomène inverse, l’exotisation d’espèces endémiques. Il interroge la manière dont les collectifs associent de l’autochtonie ou de l’altérité aux plantes et aux animaux par référence à des catégories de personnes.
Coordonné par : Romain Simenel – UMR 208 Paloc, IRD ; Emilie Stoll – URMIS, CNRS ; Vincent Leblan – UMR 208 Paloc, IRD ; Muséum National d’Histoire Naturelle