Temporalités archéologiques et ethnographiques autour de l’art rupestre au sud du Maroc

par Gwenola Graff

Séminaire Histoire et Épistémologie de la préhistoire

Depuis 2013, des recherches archéologiques ont été menées par des équipes franco-marocaines emmenées par Gwenola Graff (IRD-MNHN) sur deux sites rupestres sahariens au sud du Maroc : Azrou Iklane, au pied des derniers contreforts de l’Atlas, et Laghchiwat, au pied du plateau du Zemmour. Ces deux sites majeurs pour l’art rupestre préhistorique marocain sont des sites de gravures occupés pendant des périodes très longues, tous deux situés au bord de cours d’eau temporaires. À partir ces expériences, une réflexion sur la multitemporalité peut être proposée, qui se place à différents niveaux.

Il y a d'une part, la multiplicité des temporalités inscrites sur la pierre elle-même, les différentes phases d'élaboration des gravures, avec les recompositions, les enchevêtrements et les superpositions graphiques. Accéder à une datation absolue pour l'art rupestre, en particulier saharien, reste très difficile. La datation directe reste une exception, liée à des conditions particulières de conservation. Par conséquent, toutes les chronologies sont flottantes! Et il y en a pour ainsi dire autant que de spécialistes ou d'écoles, sans parler des incompatibilités régionales (entre Algérie, Libye et Maroc par exemple). Il faut aussi tenir compte de la rareté des contextes archéologiques associés aux gravures qui donneraient des possibilités de dater de l'organique ou de se référer à des typologies bien établies à partir des vestiges de la culture matérielle.

À ceci se superpose l'expérience de la profondeur des temps par les bédouins qui vivent au milieu de ces artefacts et par lesquels il faut être accepté avant de travailler sur le terrain. Au Maroc, existe une forte tendance à une attribution allochtone des représentations figurées non conformes à la doxa islamique. Même si les enfants continuent encore à graver, on dit que ce sont les œuvres des Bortuguesh, ces Européens chrétiens antérieurs à l'islam!

Dans le même temps, persistent des récits mythologiques de domestication du caractère sauvage des lieux et de l’étrangeté de ces signes par la référence à un temps mythique (in illo tempore) et à des figures tantôt positives tantôt maléfiques des djinns, qui ont laissé dans la pierre des indications pour retrouver les trésors (spirituels ou lapidaires) des saints colonisateurs de l'islam.

Enfin, plus prosaïquement, il y a le temps de maturation et de compréhension du chercheur sur son site qui doit se l'approprier intellectuellement pour pouvoir espérer comprendre ce qu’il a sous les yeux...

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La page de Gwenola Graff

Publié le : 21/03/2022 10:36 - Mis à jour le : 16/05/2022 17:08

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