Soutenance de HDR d'Hélène Artaud

Rendez-vous à l'Université d'Aix-Marseille, de 13h30 à 18h

Jusqu’à récemment la mer semble avoir constitué cette « partie oubliée de la planète » (Steinberg, 1999 : 368). Son étrangeté, apparemment radicale, constituait un point aveugle de la science moderne qui « en savait beaucoup plus sur les cieux que sur les océans (…) et accordait plus d'attention à l'extraction des richesses des mers (…) qu'aux eaux elles-mêmes » (Gillis, 2012 : 121). Jusqu’à récemment, l’océan paraissait n’être qu’une surface d’opacité, inutilement remuante, « dénuée de tout caractère » (Schmitt, 2003), « vierge de routes » (Detienne et Vernant, 1974).

Comment comprendre dès lors, l’effervescence intellectuelle, artistique et politique qui entoure l’océan depuis quelques années ? Comment interpréter l’ampleur soudaine des questionnements théoriques qui lui est réservée ? Comment expliquer que de plus en plus de travaux prennent délibérément à rebours l’ensemble des qualités qui lui étaient jusqu’à peu imparties, à commencer par celle de l’océan comme d’un espace inintelligible, pour en faire un vivier théorique susceptible de « re-conceptualiser la compréhension de l'espace, du temps, du mouvement et des expériences d'être dans un monde en transformation et mobilité constantes » (Peters et Steinberg, 2019)? Si tout semble indiquer que le paysage continental des sciences humaines opère un « tournant océanique » (DeLoughrey, 2017 ; Steinberg et Peters, 2015 ; Steinberg, 2013), un soupçon subsiste toutefois.

Nous sommes-nous affranchis d’un continent qui a jusqu’alors outillé la pensée académique et fourni l’essentiel des catégories disponibles pour dire le monde ? Sommes-nous disposés à relire l’histoire : notre histoire humaine et interspécifique, sur la base mouvante et fluide de l’océan ? En somme : ce « tournant » s’est-il réellement accompli ? L’unanimité avec laquelle l’« ocean turn » a été célébré, la nécessité écologique qui l’a stimulé, semblent avoir globalement sapé la possibilité même de poser ces questions et pouvoir y répondre. C’est cet examen complémentaire et fondamental, cette généalogie d’un tournant dont l’amplitude et la radicalité restent à interroger, que le présent ouvrage entend ici mener.

Le jury est composé de

Laurent Dousset, Directeur d’Études, Ehess (garant)

Romain Bertrand, Directeur de Recherches, Sciences PO, Paris (Rapporteur)

Sergio Dalla Bernardina, Professeur, Université de Brest (Rapporteur)

Philippe Descola, Directeur d’Études, Professeur émérite du Collège de France, Paris

Frédéric Keck, Directeur de Recherches, Las, Paris

Véronique Servais, Professeure, Université de Liège (Rapporteur)

Françoise Vergès, Chercheuse indépendante

Publié le : 28/05/2021 16:15 - Mis à jour le : 31/05/2021 15:22