Immersion. Rencontre des mondes atlantique et pacifique

Éditions Les empêcheurs de tourner en rond

Notre rapport à l’océan s’est-il transformé de façon profonde ? Les mesures de conservation et les formes de sensibilités inédites qui le ciblent depuis quelques décennies nous inciteraient spontanément à le penser.

Y répondre implique toutefois d’engager une plongée dans une perspective océanique singulière dont la propagation fulgurante, - via les explorateurs, missionnaires, anthropologues ou écologues -, a bien souvent masqué le caractère historiquement contingent. C’est en mobilisant le cadre de la rencontre avec un monde Pacifique symétriquement opposé, qu’Hélène Artaud entend apprécier la réalité d’un « tournant océanique » dont la radicalité apparait plus incertaine à l’issue de cette immersion.

Née en Europe d’une configuration spatiale originale articulée autour d’une double façade maritime, la perspective Atlantique se caractérise par une palette affective singulière. La peur, que suscite un océan Atlantique « vierge de routes » et « irrémédiablement sauvage » dont la « conquête » et l’« exploitation » dépendent d’un outillage technique et instrumental sophistiqué, compose avec la familiarité domestique  qu’inspire la Méditerranée : cette « mer entre les terres » nourricière et continentale. L’auteure étudie la pénétration, au-delà du complexe maritime qui l’a inspirée, de cette perspective Atlantique venue progressivement recouvrir, - jusqu’à les invisibiliser et les enterrer -, d’autres affects et formes d’interaction avec l’océan. Le livre évoque les mémoires océaniques qui ne survivront pas à cette rencontre tout comme celles qui y résisteront et finiront par mettre en déroute les présupposés singuliers sur lesquels a reposé la perspective Atlantique. Le Pacifique est de ceux-là. Peur, pensée continentale et médiations technologiques n’ont pas de prise sur ce monde dans lequel la mer est incorporée ; les êtres qui la peuplent, nommés et reconnus ; l’alphabet des nuages, épelé ; les routes chantées. Loin de tomber dans l’écueil de la binarité, l’auteure indique que ces différences fondamentales, partiellement préalables à la rencontre, s’y sont précisées, affermies, transformées. Elle insiste sur l’importance des échanges, délibérés ou non, qui en ont résulté de part et d’autre pour poser la question de l’influence de la perspective Pacifique dans l’avènement d’un « tournant océanique ». Si la rencontre avec le Pacifique a indubitablement inspiré la perception Atlantique de l’océan au point d’en faire ce milieu intime, vulnérable et sensible que nous connaissons aujourd’hui, la profondeur de cette transformation est toutefois moins évidente. Le « tournant océanique » des Modernes est peut-être moins l’annonce d’une rupture que l’indice d’une continuité …

https://www.editionsladecouverte.fr/immersion-9782359252361

En savoir plus : Hélène Artaud

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